Histoire de J. Casanova de Seingalt écrite par lui-même à Dux en Bohème (vol. 2) by Giacomo Girolamo Casanova

Histoire de J. Casanova de Seingalt écrite par lui-même à Dux en Bohème (vol. 2) by Giacomo Girolamo Casanova

Auteur:Giacomo Girolamo Casanova [Casanova, Giacomo Girolamo]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie-Autobiographie, Aventures, Érotisme, Littérature française, 18e
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2023-11-27T00:00:00+00:00


CHAPITRE VI

Horrible malheur qui m’opprime. Refroidissement d’amour. Mon départ de Corfou et mon retour à Venise. Je quitte l’état militaire et je deviens joueur de violon.

Sa plaie se cicatrisait, et le temps approchait que sortant de son lit, elle devait retourner à ses anciennes habitudes.

M. Renier commandant général des galères avait ordonné une revue à Gouÿn. M. F. y était allé la veille, et m’avait ordonné de partir de bonne heure dans la felouque. Soupant seul avec Madame, je me plaignais de ce que je ne la verrais pas le lendemain.

— Vengeons-nous, me dit-elle, et passons la nuit à causer. Allez dans votre chambre, et revenez ici par la chambre de mon mari, dont voici les clefs. Venez-y d’abord que vous verrez de vos fenêtres que ma femme de chambre m’a laissée.

J’exécute son ordre à la lettre, et nous voilà l’un vis-à-vis de l’autre avec cinq heures devant nous. Nous étions dans le mois de juin, la chaleur était brûlante ; elle était couchée ; je vais la serrer entre mes bras, elle me serre entre les siens ; mais exerçant sur elle-même la plus cruelle de toutes les tyrannies, elle croit que je ne peux pas me plaindre et si je me trouve à sa même condition. Mes remontrances, mes prières, toutes les paroles que j’emploie sont vaines ; l’amour doit souffrir que nous le tenions en bride, et rire qu’en dépit de la dure loi que nous lui imposions nous ne parvenions pas moins à la douce crise qui le calme.

Après le ravissement, nos yeux, nos bouches s’ouvrent dans le même instant, et nos têtes s’éloignent l’une de l’autre pour jouir du caractère de la satisfaction qui devait briller sur nos physionomies. Nos désirs allaient renaître, et nous nous disposions à leur faire raison, lorsque je la vois jeter un coup d’œil sur mon état d’innocence entièrement exposé à sa vue : elle semble se fâcher ; et après avoir jeté loin d’elle tout ce qui ne pouvait que rendre plus incommode la chaleur et diminuer mon plaisir, elle s’élance contre moi. J’ai cru de voir quelque chose de plus qu’une fureur : j’ai vu un acharnement. Je crois que c’est le moment, je partage sa fureur, il n’est pas possible que force humaine puisse la serrer davantage ; mais dans le moment décisif elle escrime, elle m’esquive, et douce et riante elle accourt avec une main qui me semble de glace assouvir mon feu, qui entravé dans l’explosion pouvait faire craindre des ravages.

— Ma chère amie, tu es toute en nage.

— Essuie-moi.

— Dieu ! que de charmes ! Le plaisir suprême m’a causé une mort subite, dont tu n’as pas partagé les délices. Laisse donc, glorieux objet de mes vœux, que je te rende entièrement heureuse. L’amour ne me conserve en vie que pour me rendre maître de mourir encore ; mais pas ailleurs que dans ce paradis où tu me défends toujours l’entrée.

— Ah ! mon cher ami ! Il y a là une fournaise. Comment peut ton doigt y tenir sans qu’un feu qui me dévore ne le brûle ? Ah ! mon ami ! Cesse.



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